La loi de 1905 confrontée aux intégrismes religieux et aux ambitions politiques


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Peu à peu, la loi de 1905 rédigée dans l’esprit de la liberté de conscience et le respect des règles de la République a été contournée par les organisations religieuses, avec la complaisance des politiques qui cherchaient à s’en assurer le soutien pour leur réélection. La référence à la religion prends de plus en plus de place dans le discours politique, soit pour revendiquer une appartenance au catholicisme, soit pour stigmatiser la religion musulmane. Confronté aux fondamentalistes de tout bord qui contestent la liberté de penser et d’expression aux citoyens qui subissent des menaces de mort et sont parfois assassinés, l’exécutif va-t-il enfin promouvoir le respect de la loi de 1905 qui se rapporte aux associations cultuelles. La France a les moyens de se maintenir, sans sectarisme, dans le climat apaisé d’une république indivisible, démocratique, sociale mais aussi laïque. Il lui faudrait persévérer le sens de son histoire qui a vu naître la République au lendemain de la Révolution de 1789. L’appartenance à un groupe religieux ne peut conférer une plus-value pour se présenter aux élections nationales, ni des droits particuliers dans l’espace public ni dans l’entreprise.

Au mois de Janvier 2016, Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité s’en est pris à Elisabeth Badinter, une fervente défenseur de la laïcité qui s’exprimait à propos de la liberté des femmes. Elle avait exagéré son propos en légitimant l’islamophobie par un amalgame avec les terroristes islamiques. La laïcité n’implique pas le rejet des religions, elle impose des règles qui leur permettent d’exister en France sans heurter la partie des citoyens qui n’en sont pas adeptes. Le Premier ministre, Manuel Valls, a vivement réagit à l’attaque contre la féministe laïque, à l’occasion d’une conférence-débat organisée par le Conseil représentatif des institutions juives de France. Pour sa part, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement a reconnu: – Je pense que nous acceptons depuis des années trop de reculs sur cette question des droits de la femme… Signe des temps, ce sont les organisations confessionnelles qui se sont mobilisées, par la voix du pasteur protestant François Clavairoly, Président de la conférence des responsables de cultes en France (CRCF), pour défendre un Observatoire de la laïcité tout acquit à la cause des religions… Cherchez l’erreur ! En fait, la loi de 1905 a été écrite dans un contexte d’apaisement national, à une époque où la religion catholique concernait encore la grande majorité des citoyens. Les dispositions prises à ce moment là n’ont pas posé de problèmes jusqu’à ce que les lobbies religieux les utilisent dans la lettre stricte du texte pour revenir insidieusement sur son esprit initial, jusqu’à en faire une contrainte et une source de conflits perpétuels. Il y a urgence à un réexamen de la loi pour sanctuariser l’esprit dans lequel a été écrit le texte et préserver la paix sur le territoire, quelles que soient les convictions religieuses ou athéistes des citoyens.

Cependant, ceux qui arment la main des assassins islamistes ne sont pas de parfaits ignorants de l’Islam, comme le disent quelques responsables musulmans de France. Le cheik Saleh Al-Louhëdane en est une démonstration. Membre du Conseil supérieur des oulémas (docteurs de la loi) et président du Haut Conseil de la justice d’Arabie saoudite, le cheik a lancé en septembre 2008, une fatwa explicite. Les journalistes et écrivains mais aussi toutes personnes qui s’exprimeraient trop librement à travers les médias et la littérature peuvent être «  légalement » assassinés pour satisfaire à la fatwa du haut dignitaire wahhabite. Le texte dit : « Il est licite de tuer quiconque appelle à la discorde s’il n’a pas été possible de l’en empêcher ; il est licite de tuer, par le biais de la justice, tout prédicateur de la dépravation des croyances ou des actes, s’il s’avère impossible de l’en empêcher par des sanctions moindres que le meurtre ».

En France, quelle autorité musulmane peut dire que le Cheik Saleh Al-Louhëdane n’est pas un « bon » musulman ? Aussi longtemps que des théologiens importants de l’Islam feront appel au meurtre pour réduire les critiques au silence, leur religion sera incompatible avec les valeurs fondamentales des pays démocratiques et plus largement avec les valeurs universelles de l’humanité. L’homme de la rue, dans les pays à dominante musulmane, considère que la femme qui ne porte pas le voile en public est un femme qui ne mérite pas le respect et son corps peut être violenté. Les Immigrés, chauffés par quelques agitateurs islamistes ont mis cette vision de la femme en pratique à Cologne, en Allemagne, à l’occasion des fêtes du nouvel an début 2016. Demain cela se passera sans doute dans d’autres pays et peut-être en France, à moins qu’enfin les autorités fassent strictement respecter les lois qui organisent la vie de la société. Les immigrés arrivent dans les pays européens avec leur bagage culturel. Leur adaptation à la société du pays hébergeant nécessite des explications de la part des autorités pour leur enseigner les nouvelles règles aux quelles ils doivent se plier durant leur séjour, au besoins par l’intermédiaire de traducteurs, ainsi que les sanctions aux quelles ils s’exposent en cas de manquements.

En France, la loi qui encadre la pratique des cultes et leurs limites dans la société existe. Pourquoi s’obstine-t-on à ne pas l’appliquer? Sans doute parce que, au titre de l’égalité devant la loi, il serait également nécessaire de l’appliquer aux associations catholiques qui, sous l’influence de l’épiscopat cultivent un lobbying efficace dans les couloirs des assemblées de la République. La primaire pour désigner le candidat du Parti politique « Les Républicains » à l’élection présidentielle de 2017 a souligné sans ambiguïté l’intrusion de la religion catholique dans l’argumentation des candidats et son influence sur leurs programmes de gouvernement.

Un culte musulman compatible avec l’héritage des Lumières

Toutes les branches de l’Islam ne sont heureusement pas toxiques pour l’humanité. C’est le cas de l’Alevisme, qui regroupe des musulmans dits hétérodoxes, proches du chiisme duodécimain. L’Alevisme est toujours très présent en Turquie. Au XIIIème siècle, Haci Bektas Veli, saint musulman et philosophe, a inspiré la création de la confrérie des Bektashis. A cette époque, l’Islam de Turquie, avec les apports du sage Haci Bektas Veli, avait une analyse de la religion en avance sur son temps. Ses idées coïncidaient avec la Déclaration universelle des Droits de l’Homme qui devait être écrite huit siècles plus tard.

Les fidèles de l’Alevisme ont l’amour de Dieu et du genre humain. Ils professent l’étude du Coran pour en comprendre le sens profond et tendre vers la maturité spirituelle. L’Alévisme se revendique de la tradition universelle et originelle de l’Islam, mais aussi de toutes les religions monothéistes. Cette branche de l’Islam vénère une trilogie Haqq (vérité divine, foi en Allah), Muhammad (la prophétie) et Ali (la sainteté). La voix de cette branche de l’Islam, pour laquelle le port du foulard imposé aux femmes n’a aucun fondement religieux, n’est pas assez audible. Elle est aujourd’hui muselée par un Gouvernement Turc partisan d’un Islam plus proche du sunnisme radical. En 2014, la Turquie a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour discrimination religieuse envers le culte Alevi-Bektachi.

Si les musulmans de France envisagent un culte qui satisfasse leur foi et qui soit compatible avec la République et la loi de 1905 sur les associations qui régissent les cultes en France, ils peuvent prendre exemple sur le culte Alevi-Bektachi qui respecte le Coran, sans l’entacher d’infamie par le sang des innocents.

Une autre lumière commence à briller dans le ciel des musulmans, Fethulla Gülen. L’homme est un prédicateur musulman turc vivant en exil aux Etats-Unis depuis 1999. Le 18 décembre 2015 il s’exprime dans une chronique du Monde: La récente tragédie parisienne est un rappel de plus pour les théologiens comme pour les musulmans ordinaires, qui doivent condamner avec la dernière fermeté les actes barbares perpétrés au nom de notre religion. A ce stade, néanmoins, condamner ne suffit pas. Le recrutement de terroristes au sein des communautés musulmanes doit être combattu par le biais d’une collaboration efficace entre les autorités nationales, les responsables religieux et les acteurs de la société civile. Il ajoute plus loin: …ce que nous sommes en train de vivre n’est pas un choc des civilisations, mais plutôt le choc de la civilisation humaine conte la barbarie. (…) Si nous voulons défendre les droits et libertés des musulmans, la paix et la tranquillité de tous les êtres humains, indépendamment de leur foi, nous devons nous pencher sur toutes les dimensions du terrorisme. Fethullah Gülen prône un enseignement modernisé de l’Islam qui accepte la science, le dialogue inter-religieux et défend la démocratie. Il est le principal opposant à Recep Tayyip Erdogan, le Président Turc. Il s’est exilé après avoir dévoilé les affaires de corruption au sein du Gouvernement. Vers la fin du mois de novembre 2016, le Président Erdogan a du renoncer à une disposition réglementaire qui permettait d’amnistier les coupables de viols sur mineures à condition qu’ils épousent leurs victimes.

Les cultes et la loi française !

Le trouble commence à l’école quand des étudiants quittent la classe pour ne pas assister à un cours qui n’est pas compatible avec le dogme chrétien du créationnisme, ou quand, par provocation des jeunes filles se couvrent du voile et refusent la pratique des sports collectifs. La pratique du soin à l’hôpital se complique quand un musulman s’oppose à ce que se soit un homme qui examine son épouse ou quand un Témoin de Jéhovah refuse une transfusion sanguine pour un enfant. Même la pratique des loisirs est atteinte par les séparation homme/femme dans les piscines pour raisons religieuses. Dans le monde du travail la religion prend de l’importance, obligeant les entreprises à aménager les tâches pour pratiquer les prières, selon les croyances des employés. Les manifestations et troubles à l’ordre public, organisés par les lobbies catholiques, pour imposer au législateur les préceptes d’une loi divine appliquée à la famille se succèdent, quand un sujet portant sur la procréation, le mariage ou la fin de vie est étudié à l’Assemblée Nationale.

La loi El Komri envisage d’obliger l’employeur à adapter le fonctionnement de l’entreprise à la religion de l’employé, mais elle ne dit rien sur les ravages causés dans ces entreprises par les risques psychosociaux liés à un type de management inhumain qui conduisent l’employé au burn-out. Aujourd’hui l’entreprise s’estime autorisée à exiger de son employé qu’il demande la permission de quitter son poste de travail pour assouvir un besoin naturel, mais elle est astreinte à respecter ses pratiques religieuses sur ce même lieu de travail. C’est peut-être bien de veiller à la liberté de l’expression religieuse dans l’entreprise, mais ce serait beaucoup mieux de veiller sur les conditions de travail des salariés, tout au moins dans une République laïque.

Sans être laïcard intégriste, il faut bien reconnaître qu’en France, sur la laïcité et les différentes confessions présentes sur le territoire, les gouvernements successifs ont failli à leur mission au regard de la République laïque qui administre l’ensemble des citoyens sous le même régime dans l’espace public et laisse à chacun la liberté de pratiquer la religion de son choix en respectant les règles républicaines établies. Le poids des lobbies religieux catholiques fait obstacle à cette nécessaire clarification et nourrit la frustration des musulmans en s’opposant à la construction de lieux de culte décents pour la pratique de leur religion. Messieurs les élus de la République, un peu de courage républicain pour enfin faire respecter une loi votée il y a plus d’un siècle ! Cela coupera un peu l’herbe sous les pieds du Front National, un parti qui diffuse une idéologie contraire aux idéaux de la République et qui se nourrit des conflits entre communautés. Les méthodes ne sont finalement pas très éloignées de celles des extrémistes religieux de tous poils qui combattent la République et son école.

Kan Ar Peulvan décembre 2015

Dernière mise à jour le 23 novembre 2016